Ah...Quel vide. De grands yeux clairs s'ouvrirent sur une pièce bien aérée, superbement éclairée d'un feu qui ronronnait paisiblement dans la cheminée, dans laquelle régnait donc une atmosphère chaleureuse. La fraîcheur arrivait en fait dans son dos. Eden referma la porte en silence. Le vent froid cessa brusquement. Il jeta un coup d'oeil suspicieux derrière lui,
comme pour se rassurer de la non présence d'une tierce personne. A présent, une tiédeur curieuse s'offrait à lui. Peureux, aux aguets, le jeune homme se comportait comme l'animal effrayé qu'il n'avait jamais été. Peut-être était-ce dû au fait qu'il se savait seul. Peut-être pas...
Le serviteur ne savait à quel sens se fier. C'est que la pièce était grande, et d'une importance manifeste qui le subjuguait d'une manière éperdue. Alors qu'y faisait-il? Le garçon se rendit compte qu'il s'était collé à la surface lisse de la porte. N'est ce pas, Eden? Que fais-tu ici? D'autant plus, en ces lieux. Il demeurait pourtant particulièrement conscient que sa présence n'était pas désirée. Le problème étant qu'il s'y trouvait malgré tout. Mais, s'armant de sang-froid, le jeune Eden ignora quelques minutes plus tôt les peurs enfantines qui l'assaillaient. Il se souvint qu'il ne s'agissait pas de la première fois. Au pire, il pourrait prétendre être passé faire du rangement. Et au mieux?
Qu'importe les excuses. La futilité de son geste, à bien des égards d'une puérilité parfaite, n'atteindrait personne. C'est vrai, Eden. Tu es le seul à savoir que ceci est d'une imbécillité sans nom. Pauvre gamin...
Le jeune homme leva les yeux, presque timidement. Un sourire recourba ses lèvres tandis qu'il examinait les lieux d'un regard vif. Lentement, il avança à petits pas dans ce salon, pour le moins immense. Distrait, il se demanda vaguement pourquoi aller chercher plus loin de quoi mettre en valeur les pensionnaires de ce charmant endroit, alors la beauté apparente du manoir se suffisait déjà à lui-même. Pourquoi des domestiques?
Exception faite les poussières, le garçon ne voyait rien qui n’ait pas été soigneusement conservé. Son regard se promena ainsi, alors qu'il gardait prudemment ses mains contre lui, ou dans ses poches, de peur qu'on l'accuse de quoi que ce soit. Enfin, de peur...
Rien ne lui aurait fait plus plaisir que de les voir s'agiter en tous sens en s'écriant qu'on avait profané les lieux. Et s'ils prenaient conscience qu'un misérable domestique avait osé? Aussi, d'une main frêle, il s'appuya sur l'un des somptueux fauteuils, froissant de ses doigts fins les tapisseries qui ornaient le mur devant lequel il était planté. Maigre consolation...
Car, bientôt, il s'ennuya de tout cela, et se surprit même à contempler le feu qui brûlait dans l'âtre, comme hypnotisé.